Je me souviens de la première fois où j’ai mis en place un système complet de gestion de la performance dans l’organisation sportive qui m'avait mandaté pour cela. J’étais à la fois enthousiaste à l’idée de clarifier les responsabilités de chacun et de mesurer plus précisément les progrès accomplis, mais aussi un peu inquiet quant aux réactions des employés et des managers. Au fil de mes expériences, j’ai progressivement affiné le processus, que je découpe ici en plusieurs étapes.
Définir et négocier les standards de performance (Étape 1)
D’abord, j’ai commencé par revoir les descriptions de postes et, si besoin, les modifier en fonction de l’évolution des missions ou du contexte. Par exemple, pour un employé chargé de tâches administratives dans une fédération sportive (tri et expédition du courrier, réception des paiements, impression de documents, etc.), il est assez simple d’établir des objectifs clairement mesurables : “respecter les délais d’envoi du courrier” ou “assurer la mise à jour quotidienne des paiements”.
En revanche, pour des postes plus complexes, comme un directeur général (CEO) d’une grande organisation sportive, il m’a fallu définir des indicateurs de performance (KPI) moins évidents à quantifier. Dans ce cas, j’ai privilégié une démarche par objectifs ou par missions-clés : l’amélioration de la satisfaction des parties prenantes, le développement de partenariats, l’optimisation de la stratégie marketing, etc. C’est ainsi que nous utilisons souvent la technique des objectifs SMART (spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et définis dans le temps).
À ce stade, j’en profite également pour clarifier les valeurs de l’organisation et pour expliquer ce qui est attendu en matière de comportements. Par exemple, si l’intégrité figure parmi les valeurs principales, j’insiste sur l’importance d’un comportement exemplaire, tant en interne qu’avec les partenaires extérieurs. Enfin, j’explique la structure des récompenses : primes, gratifications, reconnaissance symbolique, promotions, etc.
Enlever les obstacles à la performance et gérer les biais (Étape 2)
Une fois les objectifs fixés, je vérifie que chaque collaborateur dispose des ressources nécessaires. Il est illusoire d’attendre des résultats « world-class » d’un responsable du haut niveau sportif si le budget alloué ne lui permet pas de recruter des coachs spécialisés ou de disposer d’infrastructures adaptées.
Parallèlement, je reste vigilant quant aux biais d’évaluation. Nous sommes humains, et nous pouvons parfois juger les gens selon nos stéréotypes ou préférences personnelles. J’essaie donc de former mes managers à reconnaître ces biais (biais de halo, de récence, tendance à la clémence ou à la sévérité, etc.) et à évaluer la performance la plus objective possible.
Assurer un suivi régulier et donner du feedback (Étape 3)
Pour moi, c’est un point clé : ne pas se contenter d’une unique réunion annuelle. Les objectifs, surtout s’ils sont ambitieux, nécessitent un accompagnement régulier. Cela peut prendre la forme d’un court entretien hebdomadaire, mensuel ou d’un retour informel après une réunion importante.
J’ai appris que la manière dont je formule mes retours compte beaucoup. Une critique trop directe peut démotiver. Au contraire, combiner un feedback constructif et des commentaires positifs permet de maintenir un climat de confiance. Je vérifie aussi si la culture d’entreprise encourage la transparence : si le collaborateur se sent libre de demander de l’aide ou des précisions, je sais que je suis sur la bonne voie.
L’entretien formel d’évaluation (Étape 4)
Une à deux fois par an, je programme un entretien plus structuré. C’est le moment de discuter de la performance au regard des objectifs préalablement fixés. Je préfère adopter un style de conversation où l’employé évalue lui-même ses progrès, puis nous comparons nos points de vue. Je trouve utile de baser l’essentiel de l’échange sur des données concrètes (résultats chiffrés, exemples précis de réalisations). Cela évite les jugements trop généraux du type « Tu es bon/moins bon collaborateur ». Je pense aussi à utiliser un langage incluant : « Comment peut-on améliorer la situation ? » plutôt que « Qu’est-ce que tu comptes faire pour régler ça ? ».
Définir de nouveaux objectifs et développer les compétences (Étapes 5 et 6)
À la suite de cet entretien, je mets l’accent sur le plan d’action pour l’avenir. Souvent, nous révisons les objectifs, soit pour qu’ils restent motivants, soit pour tenir compte de nouvelles priorités stratégiques ou personnelles. C’est également le moment de discuter de formation, d’évolution de carrière ou de besoins de développement spécifiques.
Par exemple, un entraîneur de haut niveau peut avoir besoin de perfectionner ses compétences en management d’équipe, ou un responsable marketing aura peut-être intérêt à se former au digital, à l'IA si cela devient un axe majeur pour la structure.
Récompenser la performance (Étape 7)
Enfin, vient la question de la rémunération et des autres formes de reconnaissance. On peut lier les résultats à des primes, à une augmentation ou à toute autre forme de récompense (avancement, avantages en nature, accès à des événements sportifs, etc.). Je veille à ce que ces récompenses soient cohérentes avec les objectifs atteints et la culture de l’organisation.
Les écueils possibles
J’ai souvent constaté que si le système d’évaluation n’est pas suffisamment lié aux vraies priorités stratégiques, il perd de sa légitimité. Par exemple, si l’organisation promeut le travail d’équipe, mais ne valorise que la performance individuelle, cela crée un décalage qui démotive les collaborateurs.
Ensuite, j’ai remarqué que si des ressources ou des moyens manquent pour aider un employé à atteindre ses objectifs, on ne peut pas seulement « consigner dans son évaluation » que la personne échoue. Il faut aller plus loin : améliorer l’environnement de travail, revoir la mission ou clarifier les attentes.
J’ai aussi vu des systèmes d’évaluation mal intégrés au plan de rémunération : l’employé fournit d’énormes efforts pour innover, mais ne reçoit aucune reconnaissance financière ni symbolique, faute de budget. Dans ce cas, le dispositif d’évaluation perd tout son sens.
Méthodes et approches d’évaluation
En fonction des postes, j’utilise parfois des méthodes comparatives (comme un classement des performances) ou des approches basées sur des standards absolus (rating scales). J’y intègre aussi, pour les postes à forte autonomie, une logique d’objectifs à atteindre (management par objectifs, MBO). Et lorsqu’il s’agit d’avoir une vision plus large, je peux mettre en place un dispositif de feedback 360°, permettant au collaborateur de recueillir l’avis de ses collègues, subordonnés, supérieurs et, parfois, partenaires externes.
J’ai pu constater qu’un bon dispositif de gestion de la performance aide réellement à mieux piloter l’organisation, à développer les compétences des collaborateurs et à accroître leur motivation. Cela demande de la rigueur et de la cohérence entre toutes les briques du système (fixation d’objectifs, feedback continu, évaluation et récompenses). Mais l’investissement en temps et en énergie est souvent rentabilisé par une meilleure performance globale et une plus grande satisfaction de chacun dans son rôle.